Mémoire et silences de la guerre d'Algérie
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La guerre s'est achevée il y a soixante ans en Algérie. Elle a marqué durablement les sociétés française et algérienne et touché directement des millions de personnes. Comment ces Français et ces Algériens ordinaires l'ont-ils vécue ? Quinze femmes et hommes ont accepté de confier leurs souvenirs de jeunesse. Leurs témoignages sont essentiels pour écrire une histoire qui ne soit pas seulement celle des décisions et des grands événements politiques et militaires. Ils éclairent ce que furent des vies simples prises dans la tourmente de la guerre.
Ils étaient appelé du contingent, militaires de carrière, harki ou militants indépendantistes (du FLN et du MNA) en métropole et en Algérie, mais aussi membre de l'OAS, simples civils algériens ou français. Conscients de l'urgence de témoigner, ils racontent la guerre vue d'un appartement d'Alger, d'une usine parisienne, du maquis, d'une caserne. Quelles peurs les habitaient ? Quels dangers ont-ils affrontés ? Quelles étaient aussi les raisons de leur engagement ? Quels étaient leurs espoirs ? Ils répondent à ces questions avec le souci constant de dire au plus vrai, de raconter au plus juste.
Les témoignages ne se situent pas d'un côté ou de l'autre de la Méditerranée. Ils ne sont pas au service d'un groupe de mémoire particulier. Au contraire. Ils permettent d'explorer les multiples facettes de ce conflit complexe où guerre de libération et luttes fratricides se sont mêlées, où destructions et ravages se sont accompagnés d'aspirations au renouveau. -
En Algérie, l'année 1962 est à la fois la fin d'une guerre et la difficile transition vers la paix. Mettant fin à une longue colonisation française marquée par une combinaison rare de violence et d'acculturation, elle voit l'émergence d'un État algérien d'abord soucieux d'assurer sa propre stabilité et la survie de sa population. Si, dans les pays du Sud, cette date est devenue le symbole de l'ensemble des indépendances des peuples colonisés, en France, 1962 est connue surtout par les expériences des pieds-noirs et des harkis. En Algérie, l'historiographie de l'année 1962 se réduit pour l'essentiel à la crise politique du FLN et aux luttes fratricides qui l'ont accompagnée. Mais on connaît encore très mal l'expérience des habitants du pays qui y restent alors.
D'où l'importance de ce livre, qui entend restituer la façon dont la période a été vécue par cette majorité. L'année 1962 est scandée par trois moments : cessez-le-feu d'Évian du 19 mars, Indépendance de juillet, proclamation de la République algérienne le 25 septembre. L'histoire politique qu'ils dessinent cache des expériences vécues, que restitue finement Malika Rahal au fil d'une enquête mobilisant témoignages, autobiographies, photographies et films, chansons et poèmes. Émerge ainsi une histoire populaire largement absente des approches classiques : en faisant place au désespoir des Français d'Algérie dont le monde s'effondre - désarroi qui nourrit la violence de l'OAS -, elle relate le retour de 300 000 réfugiés algériens de Tunisie et du Maroc, la libération des camps de concentration où était détenu un quart de la population colonisée, ou la libération des prisons, ainsi que les spectaculaires festivités populaires. L'ouvrage décrit des expériences collectives fondatrices pour le pays qui naît à l'Indépendance : la démobilisation et la reconversion de l'Armée de libération nationale, la recherche des morts et disparus par leurs proches, l'occupation des logements et terres laissés par ceux qui ont fui le pays. Une fresque sans équivalent, de bout en bout passionnante. -
Après l'interdiction de parution du quotidien Alger Républicain dont il était directeur, Henri Alleg a été arrêté le 12 juin 1957 par les parachutistes de la 10e D. P., qui l'ont séquestré à El-Biar pendant un mois entier. Livre emblématique, La Question est le récit de cette détention, Henri Alleg y dénonçant les tortures dont il a été victime. L'ouvrage fut saisi à deux reprises : quelques semaines après sa parution, en 1958, puis en 1959.
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Alger, samedi 29 décembre 1956. L’Algérie française porte en terre l’un de ses meneurs, Amédée Froger, tué la veille en sortant son domicile. La nouvelle de l’assassinat fait grand bruit, en Algérie, mais aussi à Paris, en raison de la personnalité de la victime, haute figure locale de la défense de la cause française. Ses obsèques à Alger rassemblent des milliers de personnes. Surtout, elles sont l’occasion de violences racistes, que les contemporains nomment « ratonnades ». Elles visent les « musulmans », comme les Algériens sont appelés dans cette société-là.
S’appuyant sur des sources variées, dont des archives policières et judiciaires inédites, Sylvie Thénault enquête sur ces événements pour les inscrire dans la longue durée coloniale. Trop souvent résumés à des actions ponctuelles et paroxystiques, ou associées aux attentats de l’OAS à la toute fin de la guerre, ces violences – non pas celles des autorités et de leurs représentants mais bien celles de Français, nés là-bas – se nourrissent d’un rapport de domination, empruntant à toutes les formes d’oppressions possibles (économiques, sociales, politiques, juridiques, culturelles) et s’ancrent dans un espace urbain ségrégué.
Sylvie Thénault plonge le lecteur au cœur de la société coloniale algérienne, traversée de brutalités et de peurs, au plus près de cette foule d’anonymes, qui ont été partie prenante de la Guerre d’indépendance algérienne. C’est ainsi un autre récit de ce conflit qu’offre ce livre.
Directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la colonisation française en Algérie et de la Guerre d'indépendance algérienne, Sylvie Thénault a publié plusieurs livres remarqués sur l’histoire de l’Algérie coloniale. En codirection avec Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou et Ouanassa Siari-Tengour, elle a signé Histoire de l’Algérie à la période coloniale : 1830-1962, plusieurs fois réédité après une première parution franco-algérienne (Barzakh/La Découverte, 2012). -
« Mon père n'était pas croyant. Pourquoi ma mère a-t-elle tenu à cet enterrement religieux ? La réponse, je ne tarde pas à la découvrir. Sur la pierre tombale, à côté du nom de mon père, elle a fait graver ces mots :À la mémoire de Mimoun COHEN son père Yvonne COHEN sa mère Colette COHEN sa soeurJean-Jacques SICSIC son beau-frèredisparus en juin 1962 en AlgérieEt de Régine COHEN sa soeurFigés dans le marbre, ils hurlent comme des nouveau-nés. Et moi, j'ai l'impression de me réveiller d'un long coma. Colette, Yvonne, Mimoun, Jean-Jacques. Yvonne, Mimoun, Jean-Jacques, Colette. J'ignorais que mon père avait une soeur, une soeur qui s'appelait Colette. Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais entendu parler de mes grands-parents, ils n'avaient pas de noms, pas de visages.Colette, Yvonne, Mimoun, Jean-Jacques. Yvonne, Mimoun, Jean-Jacques, Colette. J'ai beau répéter ces noms comme un mantra, rien ne se passe, ils ne convoquent aucune image, aucun souvenir. Seulement un incommensurable étonnement. Pourquoi ce secret, pourquoi ce silence ?Disparus en Algérie. Qu'est-ce que ça veut dire, disparus ? Qu'est-il arrivé à mes grands-parents, leur fille et leur gendre, là-bas, en Algérie ? »C'est donc lors de l'enterrement de son père qu'Hélène Cohen découvre l'existence en même temps que la disparition d'une partie de sa famille. Juifs algériens, ils sont quatre à être partis et jamais revenus, quelques jours avant la déclaration d'indépendance. Ramenée à elle-même par cette découverte, l'autrice décide de plonger dans les méandres du secret familial et d'interroger les survivants pour enfin comprendre et connaître les disparus. Une enquête poignante au coeur d'un déni familial qui fait écho à l'un des épisodes les moins connus de la guerre d'Algérie : la disparition de plusieurs centaines d'Européens malgré la signature des accords d'Évian.
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Au cours de ses recherches, l'auteur a rencontré de nombreux jeunes désireux d'interroger ces traces pour comprendre leurs origines, leurs identités et la société française. En pansant les plaies du passé, leurs quêtes nous aident à penser la société française. Parce qu'ils sont la solution, ce livre leur donne la parole Sur la base d'une enquête auprès de 3 000 jeunes âgés de 18 à 25 ans et après une centaine d'entretiens avec des petits-enfants d'appelés, de Pieds-noirs, de Harki, de Juifs d'Algérie, de militants au FLN ou à l'OAS, on comprend vite que 39% des jeunes Français ont un lien familial avec la guerre d'Algérie et doivent affronter ses conséquences intimes et politiques. Cet ouvrage permet à la fois de faire le constat de ce que les jeunes savent et retiennent de la colonisation et de la guerre d'Algérie, de ce qui a été transmis dans les familles et de la façon dont cette nouvelle génération interprète, négocie et utilise les traces de cette histoire avec lesquelles nous vivons encore.
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La gangrène et l'oubli - La mémoire de la guerre d'Algérie
Benjamin Stora
- La découverte
- Poche / Essais
- 14 Mai 2020
- 9782707183002
De 1954 à 1962, quelque deux millions de Français ont fait la guerre aux Algériens. Soixante ans après, cette " guerre sans nom " reste une page blanche de l'histoire nationale. Et le refoulement de sa mémoire continue à ronger comme une gangrène les fondements mêmes de la société française. De l'autre côté de la Méditerranée, un refoulement symétrique mine la société algérienne : la négation par l'histoire officielle de pans entiers de la guerre de libération n'est pas pour rien dans la guerre civile qui a déchiré le pays à partir de 1992. Pour comprendre les causes de cette double occultation, Benjamin Stora tente dans cet essai d'éclairer ses mécanismes, en France comme en Algérie. Il démontre comment ceux-ci se sont mis en place dès la guerre elle-même : du côté français, c'est la négation de l'existence même de la guerre, le refus obstiné de reconnaître la réalité de la torture et des exécutions sommaires ; du côté algérien, c'est la violence de la guerre civile secrète qui opposa le FLN et le MNA, ou le massacre en masse des harkis à l'été 1962, perpétré par les ralliés de la vingt-cinquième heure. L'auteur montre également comment les mensonges de la période 1954-1962 seront à leur tour, dans les décennies suivantes, enfouis dans les mémoires par les amnisties ou les non-dits d'une histoire éclatée.
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Ce livre a été publié en mai 1958. Pierre Vidal-Naquet y démontrait que la thèse de l'évasion expliquant la disparition de Maurice Audin était une imposture et émettait l'hypothèse que le mathématicien, assistant à la faculté des Sciences d'Alger, était mort au cours d'une séance de tortures. Ayant eu accès par la suite aux différents dossiers judiciaires, Pierre Vidal-Naquet put retracer l'intégralité de l'histoire de l'affaire dans l'ouvrage réimprimé en 1989.
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« Alors qu'auparavant, écrit Charlotte Delbo qui a composé ce recueil, l'indignation explosait en manifestations et en actions collectives..., elle n'a plus aujourd'hui le moyen de s'exprimer... Il n'y a plus de vie politique... Privé d'autres moyens d'agir on écrit des lettres. » À propos de La Question, du Manifeste des 121, de Francis Jeanson, de Georges Arnaud... entre autres sujets.
Parmi les textes rassemblés dans Les Belles Lettres certains n'avaient jamais été publiés dans leur intégralité. Quelques-uns auraient mérité une diffusion plus large que celle qui leur fut accordée. Ainsi, par exemple, la lettre adressée par dom Robert Gillet, bénédictin, à Laurent Schwartz après ses démêlés avec le ministre des Armées : « J'ai toujours pensé que Dieu avait de l'imagination et de l'humour. Il est certainement très content de vous... »
D'autres messages - comme les derniers mots des exécutés de Montluc ou de la Santé - sont tragiques et graves, peu connus eux non plus [...] ces Belles Lettres, pour la plupart, valent d'être lues et relues. -
De la belle aube au triste soir
Isabelle Cousteaux
- La manufacture des livres
- 6 Mai 2021
- 9782358876919
Il n'est pas de vie qui ne soit inextricablement mêlée à notre histoire collective. Ce livre retrace l'histoire d'une famille française en Algérie sur cinq générations, de la conquête du pays par la France en 1830 au retour en métropole après l'indépendance de 1962. Au coeur de ce récit, Léa et Georges Mauriès, institutrice et agriculteur partisans du dialogue entre les communautés, verront leur vie basculer en 1957 lorsque Georges est victime d'un assassinat politique. Commence alors pour Léa, femme à la personnalité si particulière, une autre histoire. À travers cette enquête, Isabelle Cousteaux nous invite à plonger dans les souvenirs de ces destins fracassés par l'histoire : entretiens, extraits de correspondances, procès-verbaux, poésies et photographies. Grande histoire et vies intimes se mêlent pour nous donner à découvrir le roman vrai d'un drame français.
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Une éducation algérienne. De la révolution à la décennie noire
Wassyla Tamzali
- Gallimard
- Folio histoire
- 14 Mars 2022
- 9782072462009
Issue d'une célèbre famille de notables algériens, qui tiendra une place importante dans la guerre de libération, Wassyla Tamzali est née dans une grande ferme coloniale au bord de la mer. Sa jeunesse ne lui a laissé que des souvenirs de bonheur et d'odeurs d'orangers. Un drame va tout changer : en 1957, son père est assassiné par une jeune recrue du FLN. Malgré cette forfaiture puis la nationalisation des propriétés familiales, la jeune femme s'enthousiasme pour la construction de l'Algérie nouvelle, dont elle épouse toutes les utopies, avant que ne tombent les illusions, dans les années du terrorisme islamique.
Ce récit passionné nous introduit dans l'intimité d'un milieu méconnu, qui avait fait le double pari de l'indépendance et du maintien de l'héritage chèrement acquis de la colonisation. Wassyla Tamzali conclut le livre par un constat plein de tristesse, mais dénué d'amertume : en Algérie, le retour des tribus et la haine du cosmopolitisme qui l'accompagne ont sonné le glas de ces espérances. Le dernier acte de la décolonisation sera tragique et douloureux, et d'abord pour les gens de son espèce. -
Sur les névroses de guerre
Sigmund Freud, Sándor Ferenczi, Karl Abraham
- Éditions Payot
- Essais Payot
- 31 Janvier 2014
- 9782228909396
En septembre 1918, à Budapest, le Ve Congrès international de psychanalyse est notamment consacré aux névroses de guerre.
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Algérie, les années Pieds-rouges
Catherine Simon
- La découverte
- Poche / Essais
- 9 Avril 2020
- 9782348056314
Indépendance algérienne de 1962 : médecins, agronomes ou artistes, beaucoup de Français militants s'improvisent instituteurs, journalistes, éducateurs. " Alger, c'était La Havane ", résume l'un de ceux qu'on désigne alors sous le terme de " pieds-rouges ". Cette histoire de passions - et de violentes désillusions - totalement méconnue, est ici racontée pour la première fois, après deux ans d'enquête et de témoignages. L'histoire d'une génération.
Que s'est-il passé après l'indépendance de l'Algérie en 1962 ? À quoi ressemblait le pays au sortir de la guerre, une fois disparus les bateaux des pieds-noirs, une fois l'improbable tandem Ahmed Ben Bella/Houari Boumediene installé au pouvoir ? Quelles ont été les espérances de ces années-là, qui résonnaient des mots de révolution, de socialisme, d'autogestion ? En quoi éclairent-elles le destin de l'Algérie et de ses relations avec la France ? Fort mal connue, cette période est, pour la première fois, retracée dans ce livre, à travers la mémoire vive d'étrangers " amis de l'Algérie nou-velle ", français le plus souvent. Qu'ils soient médecins, instituteurs, artistes ou journalistes, qu'ils veuillent " réparer les dégâts " du colonialisme ou qu'ils rêvent de révolution mondiale, tous se veu-lent du bon côté du monde. Plus précisément : du tiers monde et de ses chambardements. " Alger, c'était La Havane ", résume l'un de ceux qu'on désigne sous le terme de " pieds-rouges ". À travers leurs récits, une société se révèle. Le coup d'État de Boumediene, le 19 juin 1965, a signé la fin d'un cycle. Le festival panafricain d'Alger de 1969 clôt symboliquement cette période : c'est sur ce " feu d'artifice " que s'achève le livre-enquête de Catherine Simon, solidement documenté et fondé sur les témoignages de dizaines d'acteurs de l'époque. Il est la fresque d'une époque, d'un pays, d'une aventure humaine -
L'oubli pour mémoire
Hubert Ripoll
- Editions de l'Aube
- MONDE EN COURS - ESSAIS
- 3 Janvier 2019
- 9782815931441
C'est dans l'intimité des familles que se transmettent et se forgent les orientations sociales des enfants, que se déterminent leurs aspirations et leurs choix de vie. Malgré les adaptations des enfants à un environnement nécessairement différent de celui qu'ont connu leurs parents, les familles sont généralement assez conservatrices, qu'il s'agisse de politique, de religion, de morale ou d'éthique. Ceci n'est pas aussi systématique, à ce que j'ai pu en juger aux cours de mes rencontres, dans les familles pieds-noires. Celles-ci, concernant les orientations sociales et les choix de vie de leurs enfants, expriment souvent une absence de consensus, l'existence d'oppositions et, quelquefois, de fractures concernant l'Algérie. Qu'en est-il exactement ?
Né à Philippeville ( Algérie) en 1947, Hubert Ripoll est professeur de psychologie à l'Université de la Méditerranée (Marseille). Il est l'auteur de Le mental des champions (Payot, 2009), Le mental des coachs (Payot, 2012) et Génie et créateurs (Payot, 2014). -
Où j'ai laissé mon âme
Jérôme Ferrari
- Éditions Actes Sud
- Romans, nouvelles, récits
- 10 Octobre 2011
- 9782742798384
1957. À Alger, le capitaine Degorce retrouve le Lieutenant Andreani, avec lequel il a affronté l'horreur des combats puis de la détention en Indochine. Désormais, les prisonniers passent des mains de Degorce à celles d'Andreani: les victimes sont devenues bourreaux. Degorce, dépossédé de lui-même, ne trouve l'apaisement qu'auprès de Tahar, commandant de l'ALN, retenu dans une cellule qui prend des allures de confessionnal. Sur une scène désolée, fouettée par le vent, le sable et le sang, Jérôme Ferrari trace, par delà le bien et le mal, un incandescent chemin d'écriture vers l'impossible vérité de l'homme, dès lors que l'enfer s'invite sur terre. ©2010 Actes Sud (P)
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Il y a eu plus d'un million d'appelés en Algérie, mobilisés pour ce qui, alors, n'était pas reconnu comme une guerre. Pour beaucoup d'entre eux, l'expérience marquante, voire traumatisante, de ce conflit sans nom et sans gloire est restée enfouie dans le silence. Elle n'avait pas de place dans l'histoire officielle et suscitait plus de gêne que de curiosité. Leurs proches eux-mêmes posaient peu de questions. Au fond, personne ne souhaitait vraiment entendre leur récit et ils ont préféré se taire, durablement.
À la génération suivante et dans un contexte différent, alors que l'histoire et la mémoire de la guerre d'Algérie commencent à s'écrire, certains de leurs enfants se découvrent héritiers de ce silence. C'est le cas de Florence Dosse. Entre quête personnelle et enquête, elle a interviewé à la fois d'anciens appelés, les épouses de ces derniers et leurs enfants, aujourd'hui adultes, à qui rien ou presque n'a été transmis. On découvre le « vécu congelé » des premiers, raconté avec les mots du passé, le désarroi des femmes, les non-dits dans les couples et le mélange d'ignorance, d'interdit, de douleur ou de honte confusément ressenti par les enfants. L'originalité profonde de ce livre tient à la juxtaposition de ces trois paroles et à l'écoute attentive de Florence Dosse. -
Étienne Thèseus, la soixantaine, mathématicien français de renommée internationale, a bâti très jeune sa réputation en démontrant un célèbre problème jamais résolu : la conjecture de Syracuse. Au début des années 2000, alors que l'éminent professeur domine sa discipline, la venue en France d'un étudiant algérien, Azhar Amer, va peu à peu briser sa carrière. Du haut de ses vingt ans, Azhar Amer, par un jeu savant de coïncidences et de combinatoires, tient entre ses mains la réputation et le destin de Thèseus.
L'affrontement entre les deux mathématiciens est inévitable.