Le monde du travail
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« Les machines ressemblent à d'étranges créatures qui aspirent les matières premières, les digèrent et les recrachent sous forme de produit fini. Le processus de production automatisé simplifie les tâches des ouvriers qui n'assurent plus aucune fonction importante dans la production. Ils sont plutôt au service des machines. Nous avons perdu la valeur que nous devrions avoir en tant qu'êtres humains, et nous sommes devenus une prolongation des machines, leur appendice, leur serviteur. J'ai souvent pensé que la machine était mon seigneur et maître et que je devais lui peigner les cheveux, tel un esclave. Il fallait que je passe le peigne ni trop vite ni trop lentement. Je devais peigner soigneusement, afin de ne casser aucun cheveu, et le peigne ne devait pas tomber. Si je ne faisais pas bien, j'étais élagué. »
Foxconn est le plus grand fabricant du monde dans le domaine de l'électronique. Ses villes-usines font travailler plus d'un million de Chinois, produisent iPhone, Kindle et autres PlayStation. Elles ont été le théâtre de suicides d'ouvriers qui ont rendu publiques des conditions d'exploitation fondées sur une organisation militarisée de la production et une surveillance despotique jusque dans les dortoirs.
Ce livre propose une analyse du système Foxconn à partir des enquêtes de la sociologue Jenny Chan, complété par le témoignage de Yang, un étudiant et ouvrier de fabrication à Chongqing, et le parcours de Xu Lizhi, jeune travailleur migrant chinois à Shenzen, qui s'est suicidé en 2014 après avoir laissé des poèmes sur le travail à la chaîne, dans « L'atelier, là où ma jeunesse est restée en plan ».
Sous le titre « Les ombres chinoises de la Silicon Valley », la réactualisation de la postface que donne Celia Izoard analyse l'écueil des fantasmagories de l'« économie immatérielle » auxquelles succède le quadrillage électronique de nos vies, tandis que la pandémie de Covid-19 « accomplit l'organisation légiférée de la séparation physique des individus pour leur vendre les moyens de communication leur permettant de "rester en contact" ». Ce projet paradoxal, qu'ambitionnaient depuis longtemps les entreprises technologiques - remplacer les relations humaines incarnées par des transactions électroniques -, étant en prime auréolé d'une vision d'un nouvel humanisme fait de sécurité, de solidarité et d'hygiène.
Journaliste à Reporterre et essayiste critique de la technologie moderne (dont Merci de changer de métier. Lettres aux humains qui robotisent le monde, 2020) Celia Izoard est aussi traductrice, notamment de 1984, de George Orwell, de Black Lives Matter, de Guerre nucléaire et catastrophe écologique, de Freedom Summer. Luttes pour les droits civiques, Mississippi 1964 et de Le Progrès sans le peuple. -
La Fabrique de l'émancipation
Bruno Frère, Jean-Louis Laville
- Seuil
- La Couleur des idées
- 9 Septembre 2022
- 9782021484885
Sur fond de haines, de violences, d'inégalités sociales et de dérèglements écologiques, la démocratie paraît menacée.
Face à ce risque, la théorie critique (de l'école de Francfort à Bourdieu) reste indispensable pour alerter sur l'ampleur des aliénations et des dominations. Mais elle ne suffit plus. D'autres approches sont à mobiliser.
Bruno Frère et Jean-Louis Laville les identifient et soulignent notamment l'apport des pragmatismes et des épistémologies du Sud. Croisant ces analyses, ils concentrent leur attention sur des combats de plus en plus présents (zapatisme, zones à défendre, mobilisation pour le climat, défense des libertés associatives, écoféminisme...) et des résistances encore trop souvent invisibles (circuits courts, communs, économie solidaire...).
Les auteurs montrent ainsi que, par-delà les dangers, la démocratie se réinvente déjà, y compris en tissant de nouveaux liens entre humains et non humains, entre acteurs et chercheurs.
Parce qu'il conjugue une synthèse originale des travaux les plus marquants du XXe siècle avec l'examen d'expériences foisonnantes, cet ouvrage formule les bases d'une nouvelle théorie critique et d'une conception renouvelée de l'émancipation. En ce sens, il est force de propositions pour celles et ceux qui ne se satisfont ni de l'immobilisme ni du catastrophisme. Bruno Frère est directeur de recherches au FNRS et professeur à l'université de Liège. Il a coordonné Le Tournant de la théorie critique aux éditions Desclée de Brouwer.
Jean-Louis Laville, après avoir été chercheur au CNRS, est professeur du Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire économie solidaire, membre du laboratoire HT2S. Il a publié au Seuil L'Économie sociale et solidaire. Pratiques, théories débats. -
Désubériser, reprendre le contrôle
Florian Forestier, Franck Bonot, Odile Chagny, Mathias Dufour
- DU FAUBOURG
- LES NOUVEAUX POSSIBLES
- 28 Mai 2020
- 9782491241094
L'ubérisation est devenue un symbole : celui des transformations que le numérique impose à notre modèle social, remis en cause jusque dans ses fondements.
Le salariat est-il en danger ? Faut-il au contraire l'imposer aux plateformes et à leurs travailleurs ? La précarisation généralisée est-elle le prix à payer pour ces innovations sans précédent ?
Au-delà des réponses toutes faites, il faut comprendre ce que ces évolutions disent de notre société et de son avenir. C'est ainsi que nous pourrons collectivement cesser de considérer l'ubérisation comme une fatalité et reprendre le contrôle.
Reprendre le contrôle de nos données et des algorithmes qui les exploitent.
Reprendre le contrôle de notre modèle social.
Reprendre le contrôle de notre destin collectif, face à la puissance des nouveaux acteurs du numérique.
Ce livre propose des pistes innovantes et réalistes, certaines inspirées par des évolutions en cours à travers le monde, d'autres encore à mettre en oeuvre.
Auteurs - Florian Forestier est le directeur d'ouvrage et Mathias Dufour, Odile Chagny et Franck Bonot les co-auteurs.
Désubériser, reprendre le contrôle est le fruit d'un travail conjoint entre #Leplusimportant, think tank & action lab indépendant créé en 2017 pour développer les capacités, les compétences et redonner du pouvoir d'agir à chacun, et des représentants du réseau Sharers & Workers, créé en 2015, et centré sur les enjeux du dialogue social autour de l'économie des plateformes.
Le directeur d'ouvrage, Florian Forestier, travaille depuis plusieurs années sur les nouvelles formes d'emploi et la transition numérique. Il a coordonné et dirigé plusieurs rapports et événements liés à ce sujet, en particulier en 2018 une publication remarquée sur les travailleurs des plateformes pour #Leplusimportant.
Haut fonctionnaire puis consultant, Mathias Dufour est le fondateur et président de #Leplusimportant.
Sharers & Workers est un réseau fondé par Odile Chagny, économiste de formation.Il est co-animé par Franck Bonot, l'un des pionniers du dialogue social dans le secteur des VTC qui a participé à la création du premier syndicat de chauffeurs.
Le directeur d'ouvrage, Florian Forestier, philosophe de formation et conservateur à la BNF, avait coordonné la rédaction d'un rapport sur les travailleurs des plateformes pour #leplusimportant, publié en 2018. Il est entouré de Mathias Dufour, président de ce think tank, qui anime un groupe de 300 experts oeuvrant pour une société plus inclusive, et de deux animateurs du réseau Sharers & Workers engagé à défendre le dialogue social dans l'économie numérique (Odile Chagny et Franck Bonot). -
Le Temps de la démondialisation
Guillaume Vuillemey
- Seuil
- Coédition Seuil-La République des idées
- 7 Octobre 2022
- 9782021486308
Nous assistons à la fin de la mondialisation triomphante. La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine marquent le grand retour des frontières. Cette conjoncture invite à se pencher sur les dérives de la mondialisation. Celle-ci a souvent été mal comprise. Son trait dominant n’est pas l’allongement des distances, mais la déterritorialisation : multinationales et ultra-riches ont pu se soustraire aux réglementations et s’abstenir de toute contribution au bien commun. Face à cette mobilité incivique, il est urgent d’inventer une nouvelle forme de souveraineté, fondée sur un protectionnisme social et environnemental. Le temps de la démondialisation est arrivé.
Guillaume Vuillemey est professeur de finance à HEC Paris, spécialiste de l’histoire économique et de la responsabilité des entreprises. -
David Frayne trace d'abord une limpide théorie historique du travail, convoquant Calvin, les grands utopistes, Marx, Keynes et de nombreux autres jusqu'à André Gorz. Son but est de mettre en évidence la construction progressive du travail comme alpha et omega de notre insertion dans la société, et la « provocation » que constitue, de fait, l'idée de défendre une autre vision du bonheur. L'aliénation du travail contraint, les souffrances psychiques ou physiques, ne sont que quelques-unes de facettes de l'envahissement irrépressible de notre liberté par de soit-disant besoins économiques.
Mais il serait simple de refuser une telle contrainte si le travail ne jouait pas aussi le rôle d'une forteresse pour ceux qui s'y plient, protection autoproclamée contre le chômage et son stigmate, promettant inclusion sociale et bonne santé. David Frayne a enquêté auprès de personnes qui ont renoncé à chercher du travail : quel a été le moment de bascule, comment vivre en étant considéré comme incomplet ou inutile, quelles nouvelles perspectives s'ouvrent ? Il s'interroge : ces parcours ne contiennent-ils pas le ferment d'une alternative politique, donnant des armes pour imaginer une forme plus robuste et plus authentique de liberté ? -
Bullshit Jobs
David Graeber
- Éditions Les Liens qui libèrent
- Les Liens Qui Libèrent
- 5 Septembre 2018
- 9791020906342
Alors que le progrès technologique a toujours été vu comme l'horizon d'une libération du travail, notre société moderne repose en grande partie sur l'aliénation de la majorité des employés de bureau. Beaucoup sont amenés à dédier leur vie à des tâches inutiles, sans réel intérêt et vides de sens, tout en ayant pleinement conscience de la superficialité de leur contribution à la société.
C'est de ce paradoxe qu'est né et s'est répandu, sous la plume de David Graeber, le concept de « bullshit jobs » - ou « jobs à la con », comme on les appelle en français.
Dans son style unique, virulent et limpide, l'auteur procède ici à un examen poussé de ce phénomène. Il soutient que, lorsque 1 % de la population contrôle la majeure partie des richesses d'une société, ce sont eux qui définissent les tâches « utiles » et « importantes ». Mais que penser d'une société qui, d'une part, méprise et sous-paie ses infirmières, chauffeurs de bus, jardiniers ou musiciens - autant de professions authentiquement créatrices de valeur - et, d'autre part, entretient toute une classe d'avocats d'affaires, d'actuaires, de managers intermédiaires et autres gratte-papier surpayés pour accomplir des tâches inutiles, voire nuisibles ? Graeber s'appuie sur les réflexions de grands penseurs, philosophes et scientifiques pour déterminer l'origine de cette anomalie, tant économique que sociale, et en détailler les conséquences individuelles et politiques : la dépression, l'anxiété et les relations de travail sadomasochistes se répandent ; l'effondrement de l'estime de soi s'apparente à « une cicatrice qui balafre notre âme collective ».
Sa démonstration est émaillée de témoignages éclairants envoyés par des salariés de tous pays, récits tour à tour déchirants, consternants ou hilarants. Il y a le consultant en informatique qui ne possède aucune des qualifications requises pour le poste, mais qui reçoit promotion sur promotion, bien qu'il fasse des pieds et des mains pour se faire virer ; le salarié supervisé par vingt-cinq managers intermédiaires dont pas un seul ne répond à ses requêtes ; le sous-sous-sous-contractant de l'armée allemande qui parcourt chaque semaine 500 kilomètres en voiture pour aller signer un papier qui autorisera un soldat à déplacer son ordinateur dans la pièce d'à côté...
Graeber en appelle finalement à une révolte du salarié moderne ainsi qu'à une vaste réorganisation des valeurs qui placerait le travail créatif et aidant au coeur de notre culture et ferait de la technologie un outil de libération plutôt que d'asservissement, assouvissant enfin notre soif de sens et d'épanouissement. -
Redonner du sens au travail
Thomas Coutrot, Coralie Perez
- Seuil
- Coédition Seuil-La République des idées
- 9 Septembre 2022
- 9782021503241
Démissions en chaîne, refus des bullshit jobs, méfiance vis-à-vis des grandes entreprises, préférence pour le télétravail, réhabilitation des activités manuelles, réorientations en milieu de carrière : les questionnements sur le sens du travail n'ont jamais été aussi nombreux. La pandémie a provoqué un débat sur les travailleurs « essentiels », qui sont pourtant moins payés et considérés que les « premiers de cordée ». Quant à la crise écologique, elle impose de réorienter nos emplois. À l'heure où le management par les chiffres a envahi le secteur privé comme la fonction publique, il est crucial de s'interroger sur le contenu et la finalité de nos activités professionnelles. Il fut un temps où l'on cherchait avant tout à occuper un emploi. Aujourd'hui, il se pourrait bien que la priorité soit donnée au sens du travail. C'est là que se produit actuellement une révolution, guidée par les nouvelles exigences sociales et les défis écologiques.Thomas Coutrot est statisticien et économiste, chef du département Conditions de travail et santé de la DARES au ministère du Travail de 2003 à 2022.
Coralie Perez est socio-économiste, ingénieure de recherche à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre du Centre d'économie de la Sorbonne. -
Histoire mondiale du protectionnisme
Ali Laïdi
- Passés Composés
- Hors collection Passés composés
- 7 Septembre 2022
- 9782379337246
Empires aztèques et chinois, cités grecques, royaumes africains et sociétés maghrébines, nombre de cultures réglementaient leur "marché", donc le protégeaient. La pleine liberté économique n'apparaît non sans heurt qu'au XIXe siècle au sein de l'Occident. Pourtant la science économique ne connaît pas le concept d'économie protégée ni de marché protégé : les économistes préfèrent recourir à un concept plus froid, le protectionnisme vu comme la "politique des États qui vise à limiter le volume des importations". Pour remédier à cette cécité historique, Ali Laïdi offre la première histoire non pas des idées économiques mais bien des faits. À travers l'étude des produits "protégés" au sein des civilisations aussi bien antiques que modernes - blé, riz, café, textile, métaux, pétrole, automobiles et jusqu'aux "services" les plus récents - l'auteur montre comment et pourquoi les hommes protègent leurs moyens de subsistance. C'est donc à une nouvelle lecture particulièrement féconde du protectionnisme, d'une criante actualité, que le lecteur est convié.
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Dans un captivant voyage de l'aube de l'humanité à nos jours, l'économiste et penseur Oded Galor s'attaque à deux des grands mystères de l'humanité : pourquoi l'espèce humaine a-t-elle surpassé toutes les autres ? Quelles sont les causes ultimes des inégalités entre les peuples et comment les résorber ?
Première partie du voyage : depuis l'émergence d'Homo sapiens en tant qu'espèce distincte il y a environ 300 000 ans, le niveau de vie de l'humanité, proche de la survie, n'a guère varié à travers le monde et les époques. Mais, de façon étonnante, au cours des tout derniers siècles, l'humanité a connu, presque du jour au lendemain, une amélioration spectaculaire et sans précédent de ses conditions de vie. Comment expliquer cet incroyable bond en avant ?
Élucider ce « mystère de la croissance » permet de s'attaquer, dans la deuxième partie du voyage, au « mystère des inégalités », aux sources des différences de développement entre les sociétés, et aux immenses écarts de richesse entre les nations advenus dans les deux derniers siècles. Les facteurs profonds qui sous-tendent ces inégalités mondiales nous amènent à inverser le cours du voyage et à remonter par grandes étapes dans l'histoire, pour finalement revenir là où tout a commencé : l'exode d'Homo sapiens depuis l'Afrique, il y a des dizaines de milliers d'années.
Alors que nous sommes confrontés à une crise écologique sans précédent, Le Voyage de l'humanité est un livre de vérités urgentes à dire, à la fois profondes et positives : l'éducation, la tolérance et l'égalité des sexes sont les clés de l'épanouissement de notre espèce dans les décennies et les siècles à venir.