Édition augmentée avec dossier "Servitude et soumission" pour les prépas scientifiques 2016-2017.
Le renom d'Étienne de La Boétie, ami de Montaigne, s'attache à un écrit composé "à l'honneur de la liberté, contre les tyrans". Comment expliquer qu'un peuple entier puisse ployer sous le joug d'un seul homme sans force ni prestige ? À cette question, l'auteur répond que la servitude est volontaire ; ce sont les peuples qui, en acceptant de se soumettre, contreviennent à ce qu'il y a de plus profond dans la nature humaine : la liberté. Pourtant - et c'est là tout le scandale dénoncé par l'auteur -, rien de plus simple que s'affranchir du tyran. "Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres", affirme-t-il. Interrogeant les ressorts secrets de la domination, La Boétie construit une oeuvre majeure pour l'histoire de la pensée politique.
De la servitude volontaire ou Contr'un, chef-d'oeuvre d'Etienne de La Boëtie, est un impitoyable procès de la tyrannie, un procès connu certes, mais qui, sans Malcolm Smith, n'aurait jamais été servi par l'établissement rigoureux d'une édition d'après le manuscrit de Mesmes (BnF, fonds français 839).,Son édition épuisée, il s'agissait de la réimprimer cependant que, dans l'entre-temps, les recherches sur La Boëtie en général et sur le Contr'un en particulier avaient largement évolué et que plusieurs manuscrits avaient émergé. Malcolm Smith disparu, c'est Michel Magnien qui a accepté de compléter cette édition et de nous faire profiter de sa parfaite connaissance du dossier.,
"Étienne de La Boétie, écrit le Discours de la servitude volontaire alors qu'il n'a que 18 ans. Grand ami de Montaigne, il est un humaniste et un penseur précoce. Dans cet essai, La Boétie analyse les raisons de la soumission de la population et démontre que la servitude n'est pas forcée mais volontaire. Sinon, comment comprendre qu'un petit nombre d'individus prenne le pouvoir sur un très grand nombre et les oblige à obéir servilement ?
Par sa remise en cause du pouvoir et des « tyrans », de la légitimité des gouvernants, ce texte est d'une actualité étonnante. La Boétie est aujourd'hui considéré par beaucoup comme un précurseur intellectuel de la désobéissance civile.
Daniel Mesguich nous donne à entendre toute l'intelligence et la force de ce texte fondateur."
Claude Colombini Frémeaux
« Les Sonnets » sont un recueil de vingt-neuf sonnets de La Boétie, écrits à une période incertaine de sa vie. Si certains, la plupart, considèrent que les Sonnets ont été écrits avant le Discours de la servitude volontaire, d'autres les voient comme une oeuvre de maturité. Dur à dire. Ils sont intégrés par Montaigne dans le Livre un des Essais, mais sont repris par d'autres auteurs dans d'autres recueils. Découvrez cette édition numérique absolument inédite des Sonnets de La Boétie avec sa version en français du Seizième siècle, et sa traduction en français moderne originale par Les Editions de Londres !
Cet essai constitue une remise en cause de la légitimité des gouvernants, que La Boétie appelle « maîtres » ou « tyrans ». Quelle que soit la manière dont un tyran s'est hissé au pouvoir (élections, violence, succession), ce n'est jamais son bon gouvernement qui explique sa domination et le fait que celle-ci perdure. Pour La Boétie, les gouvernants ont plutôt tendance à se distinguer par leur impéritie. Plus que la peur de la sanction, c'est d'abord l'habitude qu'a le peuple de la servitude qui explique que la domination du maître perdure. Ensuite viennent la religion et les superstitions. Mais ces deux moyens ne permettent de dominer que les ignorants. Vient le « secret de toute domination » : faire participer les dominés à leur domination. Ainsi, le tyran jette des miettes aux courtisans. Si le peuple est contraint d'obéir, les courtisans ne doivent pas se contenter d'obéir mais doivent aussi devancer les désirs du tyran. Aussi, ils sont encore moins libres que le peuple lui-même, et choisissent volontairement la servitude. Ainsi s'instaure une pyramide du pouvoir : le tyran en domine cinq, qui en dominent cent, qui eux-mêmes en dominent mille... Cette pyramide s'effondre dès lors que les courtisans cessent de se donner corps et âme au tyran. Alors celui-ci perd tout pouvoir acquis.
Prudence des Anciens. Rejet moderne de la prudence. Ces idées reçues, certes commodes, sont peut-être trop simples. Même si l'on renonce à objecter que l'aristotélisme n'est pas toute la pensée des Anciens, il demeure que le statut de la prudence chez le Stagyrite est complexe. Elle renvoie moins à un ordre cosmique complet qu'à la part d'inachèvement, d'indétermination, de contingence irréductible du Monde. Et si elle présuppose la délibération, c'est pour s'accomplir sur le mode de la décision plus que de la conclusion. Que le propos des Modernes - culminant certainement en quatre-vingt-neuf - ait souvent été de bâtir à coup d'évidences une véritable science politique - exclusive en fin de compte du politique - cela n'est pas douteux. Que l'éloge par certains de la délibération n'ait pas revêtu le sens d'un retour à la prudence, on peut s'en persuader. Il y a tout lieu de penser pourtant qu'a cheminé dans les plis des courants dominants la quête d'une nouvelle prudence permettant seule de penser les conditions du gouvernement d'êtres finis par d'autres êtres finis. A l'heure où le débat intellectuel semble se structurer autour de l'affrontement entre de nouveaux dogmatismes et une réhabilitation du politique, c'est-à-dire de la délibération et de la décision sur fond d'incertitude, ce livre - fruit original de la collaboration de philosophes, de juristes et de « décideurs » - ouvre quelques pistes, parfois contradictoires, et invite à poursuivre la réflexion.