Avec son légendaire talent de conteur, Michel Butor raconte l'histoire de la littérature française comme vous ne l'avez jamais lue : La Fontaine et Racine, Perrault et Chateaubriand, Proust et Céline, mais aussi la naissance du roman, l'Orient et ses fées, l'utopie, les métamorphoses de l'alexandrin ou encore les poètes de la Résistance...
Au fil d'échanges vivants et malicieux, cette figure majeure du Nouveau Roman restitue chaque auteur dans son époque, explique le mouvement qu'il a incarné.
Chez Butor, tout pétille. Il nous invite ici à une véritable fête de l'esprit.
Dès la première phrase, vous entrez dans le livre, ce livre que vous écrivez en le lisant et que vous finirez par ramasser sur la banquette du train qui vous a conduit de Paris à Rome, non sans de multiples arrêts et détours.
Le troisième roman de Michel Butor, paru en 1957, la même année que La Jalousie d'Alain Robbe-Grillet, Le Vent de Claude Simon et Tropismes de Nathalie Sarraute, reçut d'emblée un excellent accueil de la critique. Couronné par le prix Renaudot, traduit dans vingt langues, c'est encore aujourd'hui le plus lu des ouvrages du Nouveau Roman.
En postface, « Le réalisme mythologique de Michel Butor » par Michel Leiris.
Michel Butor a fouillé, remué les vieux cartons du grenier hugolien qui regorge de surprises, livrant au lecteur de longs extraits, souvent inattendus, et même quelques dessins.
« Il en fait trop : non seulement le théâtre, mais le roman, non seulement les invectives, mais les chansons, les petites épopées, mais le promontoire du songe ; non seulement la littérature mais le dessin. Il finira par nous prendre toute la place ! »
Dans la vie d'un lecteur, certains auteurs occupent une place à part : lectures inaugurales, compagnons de tous les jours, sources auxquelles on revient. La collection « Les auteurs de ma vie » invite de grands écrivains contemporains à partager leur admiration pour un classique, dont la lecture a particulièrement compté pour eux.
Figure emblématique du nouveau roman, Michel Butor est aussi poète et essayiste. Il a publié plus de deux cents ouvrages, le plus connu étant La Modification (1957, prix Renaudot).
« Sous son titre sage et méthodique mais dont on saisit vite l'ambivalence, L'Emploi du temps est d'abord un roman policier, bâti, selon la définition qu'en donne l'auteur, "sur deux meurtres dont le premier, commis par l'assassin, n'est que l'occasion du second, dans lequel il est la victime du meurtrier pur et impunissable, du détective qui le met à mort...". Par un raffinement supplémentaire, c'est également un roman policier, intitulé de façon ambiguë et analogique Le Meurtre de Bleston, qui servira de guide à Revel au long de son enquête. À l'aide de cette clé il va essayer toutes les serrures, découvrir des repères. Sa tâche est celle du détective qui ouvre ses dossiers, suit sa piste, consigne, dépose et, par une entière connaissance des faits et causes, s'efforce de reconstituer "l'accident".» (Monique Nathan, Critique, n° 116, 1957)
L'Emploi du temps est le deuxième roman de Michel Butor, paru en 1956.
«Des mots dans la peinture occidentale ? Dès qu'on a posé la question, on s'aperçoit qu'ils y sont innombrables, mais qu'on ne les a pour ainsi dire pas étudiés. Intéressant aveuglement, car la présence de ces mots ruine en effet le mur fondamental édifié par notre enseignement entre les lettres et les arts. Toute notre expérience de la peinture comporte en fait une considérable partie verbale. Nous ne voyons jamais les tableaux seuls, notre vision n'est jamais pure vision. Nous entendons parler des oeuvres, nous lisons de la critique d'art, notre regard est tout entouré, tout préparé par un halo de commentaires.
Ce n'est pas seulement la situation culturelle de l'oeuvre, mais tout le contexte dans lequel elle se présente à nous qui est transformé par le titre : la signification de cette organisation de formes et couleurs change tout au long de la compréhension parfois fort progressive de ces quelques mots. La composition la plus "abstraite" peut exiger que nous lisions son titre pour nous déployer toutes ses saveurs, toutes ses vertus.»
Michel Butor.
« Chaque moment est complexe, au sens mathématique de "nombre complexe" ; il est traversé d'échos, d'harmoniques. Et, parmi les activités humaines, parmi tous les registres possibles de paysages, la marche en montagne est la plus propice pour générer ces harmoniques. »
Infatigable voyageur, Michel Butor a côtoyé tout au long de sa vie les cimes du monde. Source inépuisable d'émerveillement, la montagne fut pour lui un formidable catalyseur d'idées, occupant une place primordiale dans son travail d'écriture. Depuis les versants du Nouveau-Mexique jusqu'aux sommets du Japon, en passant par le massif des Voirons, l'auteur de La Modification nous convie à une promenade intime et littéraire au gré des sentiers de son existence.
Dirigée par Fabrice Lardreau, la collection « versant intime » propose des rencontres avec de grandes figures des lettres, des arts, des sciences ou du voyage, passionnées par la montagne et, plus largement, par la nature. Elle invite le lecteur à pénétrer leur jardin secret et à découvrir leur rapport aux éléments, mais aussi leurs lectures, leurs voyages, et leur émerveillement devant la beauté (parfois fragile) du monde.
Le Génie du lieu, paru en 1958, premier essai de Michel Butor, se compose de deux parties. La première est une série de portraits de sept villes de la Méditerranée, Cordoue, Istanbul, Salonique, Delphes, Mallia, Mantoue et Ferrare, suivi d'une réflexion toute butorienne, mélange de rêverie, de poésie et d'anecdotes personnelles, sur l'Egypte, où il a vécu et qu'il a toujours aimée.
Loin des fades commentaires sur les paysages c'est en promeneur enchanté, inspiré par ses souvenirs, que Butor digresse sur l'histoire et la littérature des lieux qu'il visite. Il hisse ce qu'il appelle la « critique géographique » au rang d'oeuvre d'art, n'oubliant jamais que les villes ne sont pas des miracles de la nature, mais les chefs-d'oeuvre des hommes. Des empereurs y ont construit des palais avant que des conquérants ne les détruisent. Des sculpteurs y ont élevé des statues. Des écrivains y ont écrit des livres. Au tour de Michel Butor de s'inscrire dans la mémoire des lieux. Voilà pourquoi on croisera Borges au détour d'une ruelle de Salonique, Averroès à un carrefour de Cordoue et Philippe de Macédoine assis sur une ruine de Delphes.
Le Génie du lieu est-il le lieu du génie de Michel Butor ? Ses admirateurs continuent de se disputer : de La Modification ou du Génie du lieu, lequel est son plus grand livre ?
L'intrigue, ou plutôt les intrigues de ce premier roman, rêvé et rédigé à l'étranger (en Égypte et surtout en Angleterre, dans les années 1952-1953), se déroulent à l'intérieur d'un immeuble parisien, qui doit fonctionner comme une maquette de la réalité, une sorte d'échantillon de Paris. Cette ville, confiera Butor, dans Curriculum vitae (Plon, 1996), « je l'avais énormément explorée, j'y avais beaucoup flâné à pied, et pourtant elle m'échappait. [...] J'avais donc besoin de représenter Paris en réduction, afin de l'apprivoiser. » Entre les étages de cet immeuble circule une foule de personnages, qui se croisent d'un appartement à l'autre, les douze chapitres correspondant aux douze heures de la nuit au cours de laquelle une adolescente meurt. Évocation de Paris, adieu à l'enfance, le livre joue aussi sur la mobilité des points de vue, l'enchevêtrement de l'espace et du temps, et les mots de son titre : le milan plane sur la ville comme I'oiseau-narrateur sur son texte.
Gauguin intervient non seulement par le titre de son grand tableau de Boston, mais aussi parce que, à un tournant décisif de notre histoire, il a tenté, Occidental, de s'immerger dans une culture antérieure au livre. D'où venons-nous ? Réflexions sur l'évolution du livre, instrument fondamental de notre civilisation, notamment au coeur des trois grandes religions monothéistes, dans sa forme et dans sa teneur. Où sommes-nous ? La place du livre a déjà profondément changé dans notre vie. Devant les problèmes actuels de la librairie, on assiste à la floraison d'un certain nombre de travaux qui mettent en question son fonctionnement et proposent des voies différentes. Une certaine confusion règne dans l'éclosion de genres plus ou moins nouveaux : livres illustrés, livres de peintre, livres de luxe, livres de poche, etc. Il s'agit d'y mettre un peu de clarté. Où allons-nous ? Les progrès des communications confrontent le livre auquel nous étions habitués à de nombreux défis. Quel parti peut-on tirer de ceux-ci pour améliorer le passage vers l'océan qu'on espère pacifique d'un nouveau millénaire ? Reproduction du tableau de Paul Gauguin, D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? sur le site du Museum of Fine Arts de Boston.
On pourrait très bien nommer La Comédie humaine, Les Mille et une Femmes, ce qui nous montre bien le donjuanisme fondamental qui y règne et souligne la séduction de la femme moderne. Balzac admire les femmes d'antan, mais il est émerveillé par la variété féminine qui se développe en son temps ; il n'en finit pas de la détailler, d'autant plus qu'à cette variété horizontale des "espèces", dont le nombre est le carré de celui des espèces masculines, s'ajoute une variété verticale, celle des âges dont l'influence est beaucoup plus forte que chez les hommes. La multiplication des femmes aboutit à la multiplication des tentations, qui provoque celle des fautes, mais si on sait leur résister c'est une multiplication des vertus.
Improvisations sur Balzac III, Scènes de la vie féminine s'inscrit dans une série de six volumes consacrés à une forme inédite de critique littéraire mettant en avant la liberté d'interprétation de la lecture. Liberté d'autant plus remarquable que les oeuvres étudiées sont notoires : Flaubert, Rimbaud, Balzac. Et Butor lui-même en « autre ». Tous ces livres ont la particularité d'être issus de cours dispensés à l'Université de Genève, enregistrés, transcrits puis entièrement réécrits.
Les Improvisations sur Balzac de Michel Butor se déclinent elle-même en trois tomes qui constituent trois temps articulés de la lecture : Improvisations sur Balzac I - Le Marchand et le Génie, consacré aux récits philosophiques ; Improvisations sur Balzac II - Paris à vol d'archange, consacré à la ville de Paris dans les romans de Balzac et Improvisations sur Balzac III - Scènes de la vie féminine, consacré aux femmes de La Comédie humaine.
En décrivant la société contemporaine, Balzac transforme la vision que le jeune français en a ; il lui révèle l'étendue de la maladie dont elle est atteinte. Dans les Études philosophiques, il essaie d'aller plus loin, de donner des figures très fortes qui montrent, et fassent comprendre, les causes de cette maladie. Balzac considère qu'il a lui-même du génie et qu'il réussit cependant, malgré toutes les difficultés, à agir sur son époque. Il parvient à composer son oeuvre et à la publier. Mais un génie supérieur risquerait d'avoir des difficultés tellement grandes qu'il ne pourrait même pas publier ses oeuvres, voire "à la limite" les écrire. Cet ensemble de récits qui poussent "à la limite" un certain nombre d'expériences fondamentales pour en faire des mythes, sont des fictions au second degré qui constituent la réflexion de Balzac sur sa propre oeuvre.
Improvisations sur Balzac I, Le Marchand et le Génie s'inscrit dans une série de six volumes consacrés à une forme inédite de critique littéraire mettant en avant la liberté d'interprétation de la lecture. Liberté d'autant plus remarquable que les oeuvres étudiées sont notoires : Flaubert, Rimbaud, Balzac. Et Butor lui-même en « autre ». Tous ces livres ont la particularité d'être issus de cours dispensés à l'Université de Genève, enregistrés, transcrits puis entièrement réécrits.
Les Improvisations sur Balzac de Michel Butor se déclinent elle-même en trois tomes qui constituent trois temps articulés de la lecture : Improvisations sur Balzac I - Le Marchand et le Génie, consacré aux récits philosophiques ; Improvisations sur Balzac II - Paris à vol d'archange, consacré à la ville de Paris dans les romans de Balzac et Improvisations sur Balzac III - Scènes de la vie féminine, consacré aux femmes de La Comédie humaine.
Improvisations sur Michel Butor constitue la plus intelligente introduction à l'oeuvre de Butor. À l'invitation des professeurs de l'Université de Genève qui lui demandent, en 1990-91, pour sa dernière année de cours avant la retraite, de clore le cycle des Improvisations (Flaubert, Balzac, Rimbaud ) en traitant des problèmes rencontrés par les écrivains français depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale en prenant pour exemple son propre parcours, Michel Butor y dévoile la naissance et le cheminement de son oeuvre.
Il révèle ce qui a sous-tendu chacun de ses livres et quels en furent les soubassements. Écrits avec une grande simplicité, les textes qui composent ce volume sont passionnants et permettent de mesurer l'envergure du champ intellectuel qu'ils traversent. Véritable essai sur la littérature et sur Butor-écrivain, ces Improvisations sur Michel Butor permettent de le découvrir, lui qui se nomme, non sans humour, « L'illustre inconnu ».
Improvisations sur Michel Butor s'inscrit dans une série de six volumes consacrés à une forme inédite de critique littéraire mettant en avant la liberté d'interprétation de la lecture. Liberté d'autant plus remarquable que les oeuvres étudiées sont notoires : Flaubert, Rimbaud, Balzac. Et Butor lui-même en « autre ». Tous ces livres ont la particularité d'être issus de cours dispensés à l'Université de Genève, enregistrés, transcrits puis entièrement réécrits.
Picasso disait, je ne sais plus quand, je ne sais plus où, qu'il s'était bâti une solitude à toute épreuve. Je jouis ainsi dans mon recoin d'une liberté périlleuse qu'il s'agit de faire durer, car je me sens toujours du pain sur la planche pour cent ans. Il s'agit de la faire partager pour qu'elle dure, en dehors de moi comme en moi, de tous côtés de ma frontière, de la frontière poreuse que je suis, après, par exemple.
C'est Béatrice Didier qui interroge l'auteur sur les premières pages d'un livre datant de quelques années, imprimé en trois couleurs, avec une mise en pages singulière. Par un jeu de questions serré, elle parvient à le mettre en confiance, à pousser certains de ses verrous, ouvrir quelques portes de sa mémoire. Ainsi, peu à peu, souvenirs d'enfance et d'adolescence viennent au secours du lecteur ou de l'interprète, lui facilitant le voyage à l'intérieur de cet archipel littéraire ou, plus exactement, de cette flotte qui navigue elle-même entre les continents. Les questions abordées deviennent, chaque année, plus pressantes : situation de la France et de sa culture par rapport à l'émergence de faces nouvelles de la planète : Amérique du Nord et du Sud, Australie, Japon, Pacifique. Pour celui que l'audace des ouvrages antérieurs aurait intimidé, cet autoportrait assisté forme la meilleure des introductions. C'est un salon d'accueil avec son hôtesse.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Je ne puis que vous l'accorder : il y a un secret et vous en approchez. Cette fois encore j'aurais bien mieux fait de tenir ma langue, ou plutôt de rentrer dans ma coquille. Mais celle-ci est aussi par trop transparente. Je suis un incorrigible bavard ; c'est mon espèce qui l'exige.
"Ici et là" est le premier ouvrage de Michel Butor, illustré par dix collages de l'auteur lui-même. Ces illustrations ont pour motif la mappemonde, qui fit tant rêver Rimbaud, Baudelaire, ainsi que tous les enfants « amoureux de cartes et d'estampes ». "Ici et là" est un livre où la notion même de genre littéraire est en péril : tissu de textes, poèmes, journal, fictions, épopées réécrites, élégies, entrelacs de souvenirs et de choses vues lors de périples au long cours. Autant d'images captées, capturées par la mémoire, ou fixées dans l'instant, au centre de Brooklyn, dans les vestiges de Pétra, ou la médina de Tunis. Le lecteur est intronisé compagnon de route du poète, il le voit réagir à la beauté d'un paysage coréen, autant que s'interroger sur le destin des indiens d'Amérique. Si, parfois, il lui prend l'envie de réécrire la traversée de la Mer Rouge par les Hébreux, le lecteur est invité à communier dans le merveilleux langagier du vieux mythe universel. Soudain, devant l'église d'Auvers-sur-Oise, le poète devient Van Gogh, épouse chaque geste, chaque pensée intime du peintre à l'oreille coupée. Un peu plus loin, le voilà qui médite sur le désert, où il décèle en germe l'éclosion de toute civilisation. Ou sur une aurore boréale en Alaska, qui lui inspire certaines de ses plus belles proses poétiques. Quand Michel Butor fait sa moisson de « paysages choisis », qui sont aussi - bien souvent - des visages, quand il glane des images, c'est presque toujours pour les offrir à quelqu'un, ou en souvenir d'une balade avec un ami, que cet ami s'appelle Georges Perros, Claude Simon ou qu'il soit jeune Bédouin croisé par hasard. Lire "Ici et là", c'est se souvenir que la planète n'est pas uniquement, n'est pas essentiellement un décor de journal télévisé, un immense laboratoire de scoops en tous genres, destinés à flatter la mauvaise curiosité ou à exacerber le sentiment d'impuissance du genre humain. Michel Butor, dernier vates itinérans dans une société rongée par la lèpre médiatique, transfigure le monde, le réenchante, nous le fait voir à travers mille détails, autant que dans une perspective trans-historique, et nous réapprend à l'aimer.
Icare, ayant survécu à l'échec de sa première tentative pour imiter le vol des oiseaux, ne se laisse pas décourager, recommence et, traversant mers et siècles, aboutit à Paris de nos jours, où il rôde autour d'un lieu qui lui rappelle son labyrinthe d'enfance, et que l'on pourrait appeler le Trésor des Mécaniciens, l'explore et le hante, en rencontrant d'autres fantômes d'inventeurs, qui s'entretiennent avec des écrivains du siècle passé - ou du début de celui-ci - tous passionnés par les machines. Ils échangent ainsi leurs idées et leurs rêves dans le crépuscule du nôtre, assurant leurs audaces, et multipliant musicalement leurs énergies pour nous faire passer au prochain.
Comme il m'était arrivé plusieurs fois, tandis que je marchais dans les bois ou sur une plage, de ramasser de vieux papiers souvent tachés, parfois souillés, pour y noter quelque texte ou bribes de texte commençant à se former dans ma tête, en réponse à une demande urgente, j'ai pris l'habitude d'avoir toujours, sur moi, des petits carnets orange de marque Rhodia, en général format 85 x 120 (ils tiennent facilement dans une poche pectorale de ma salopette), que j'utilise à l'italienne pour y noter ce qui me vient dans le train (comme pour cette note), l'aéroport, mon bureau de l'université, les salles d'attente administratives ou chez moi. Le premier que j'aie conservé date de 1985 ; j'ai supprimé toutes sortes de premiers schémas, recherches de mots, listes de personnes à qui écrire au plus tôt, sans parler des petits dessins, gribouillis, essais de crayons, plumes, feutres ou pointes Bic indociles, pour ne conserver que ce que j'ai recopié par la suite. Il n'y a pas de dates à l'intérieur de ces carnets, mais j'ai souvent noté celle du premier recopiage, ce qui donne une précision à quelques jours près. La plupart de ces textes ont déjà été utilisés dans des ouvrages, mais souvent si considérablement transformés, qu'il est difficile de les y retrouver. Les voici donc, dans l'ordre, et sous la forme de leur composition primitive.
- Michel Butor, comment allons- nous rédiger cette quatrième page de couverture ? - Eh bien, le mieux serait de la faire sous forme de dialogue ! - Qu'allons-nous dire ? - Il me semble qu'il faudrait un peu un Curriculum Vitæ. L'expression me plaît, je crois qu'elle me va bien. - Pourquoi ? - Parce que c'est du latin, mais du latin encore vivant, que chacun connaît : une épave rescapée d'un monde ancien, un petit iceberg de langue oubliée qui flotte sur la nôtre. Et puis, curriculum, ça gazouille, ça roucoule, ça voltige. - Ça voltige comme vous, qui semez vos livres à tout vent, à la manière d'un oiseau migrateur. Un butor... ce butor-là, va nous ouvrir les portes de ses jardins secrets, raconter sa vie, dire ses passions et ses rêves, fureter à travers son oeuvre niagaresque. - Allons-y !
« Improvisations sur Rimbaud se propose de suivre conjointement la vie et l'écriture de Rimbaud à travers onze "phases" : l'écolier, le bon parnassien, le voyant, le mauvais génie, le bateau ivre, l'époux infernal, l'illuminateur, l'absent, le photographe, le marchand passionné, l'agonisant. Les propositions les plus "neuves" portent certainement sur le "silence" de l'expatrié. À ses yeux, Rimbaud, dans ses débuts éthiopiens, est un personnage vernien, avide de réaliser l'idéal du sauvage savant. Il n'aurait pas renoncé à écrire, mais changé d'objectif, projeté d'écrire un livre d'exploration (un Génie du lieu abyssin !) dont le Rapport sur l'Ogaden donne quelque idée. Et plus tard, l'agonisant aurait multiplié, dans sa correspondance, les récits de son calvaire avec l'arrière-pensée de s'en servir un jour, après sa guérison.
Les dons de pédadogue de Butor font merveille, dans ces Improvisations, pour éclairer le lecteur, même (ou surtout) non spécialiste, à la fois sur les grandes lignes de l'aventure, les audaces prosodiques ou lexicales, pour tracer le cadre général, évoquer le contexte culturel, élucider les détails difficiles, et commenter cursivement, en "zoomant" avec aisance du grand angle au gros plan les principaux poèmes. »
Jean-Charles Gateau
Improvisations sur Rimbaud s'inscrit dans une série de six volumes consacrés à une forme inédite de critique littéraire mettant en avant la liberté d'interprétation de la lecture. Liberté d'autant plus remarquable que les oeuvres étudiées sont notoires : Flaubert, Rimbaud, Balzac. Et Butor lui-même en « autre ». Tous ces livres ont la particularité d'être issus de cours dispensés à l'Université de Genève, enregistrés, transcrits puis entièrement réécrits
« Contrairement au sens ordinaire du terme Improvisations sur Flaubert n'est pas improvisé et rien n'y est laissé au hasard ; l'improvisation ici est toute musicale. Suivant de volume en volume l'oeuvre de Flaubert, Butor décèle en elle des souvenirs de La Tentation de saint Antoine qui n'aurait cessé de s'y développer en rhizome. La critique constitue donc une sorte de récit second (le livre de Butor) qui fait apparaître dans le récit premier (l'oeuvre de Flaubert) par la voie d'un rapprochement de citations, une constitution implicite. Il n'est pas nécessaire d'avoir recours à quelque système extérieur pour activer le sens du texte, il suffit de le superposer à lui-même. Ce que met en lumière le livre de Michel Butor c'est la stratégie de Flaubert pour rendre supportable un discours subversif. Et ce romancier tenu pour le maître de l'art pour l'art, et pour le rêveur du "livre sur rien" apparaît comme tendant à ses contemporains, autant dans Salammbô que dans L'Éducation, non quelque chef-d'oeuvre formel mais un miroir révélateur et critique de leur mode de penser. »
Jean Roudaut
Improvisations sur Flaubert s'inscrit dans une série de six volumes consacrés à une forme inédite de critique littéraire mettant en avant la liberté d'interprétation de la lecture. Liberté d'autant plus remarquable que les oeuvres étudiées sont notoires : Flaubert, Rimbaud, Balzac. Et Butor lui-même en « autre ». Tous ces livres ont la particularité d'être issus de cours dispensés à l'Université de Genève, enregistrés, transcrits puis entièrement réécrits
La ville de Paris joue un rôle fondamental dans toute la littérature française du XIXe siècle. C'est la nouvelle Rome, c'est-à-dire le nouveau centre du monde, et donc tout ce qui est important doit se passer à Paris. C'est aussi le meilleur abrégé de la réalité. Ce qui est intéressant chez Balzac, c'est que, s'il partage cette croyance que Paris est le lieu où une activité peut s'exercer, et particulièrement une activité littéraire, que c'est l'endroit où il faut travailler pour changer quelque chose à la réalité, cette ville est pourtant une capitale en perdition.
Improvisations sur Balzac II, Paris à vol d'archange s'inscrit dans une série de six volumes consacrés à une forme inédite de critique littéraire mettant en avant la liberté d'interprétation de la lecture. Liberté d'autant plus remarquable que les oeuvres étudiées sont notoires : Flaubert, Rimbaud, Balzac. Et Butor lui-même en « autre ». Tous ces livres ont la particularité d'être issus de cours dispensés à l'Université de Genève, enregistrés, transcrits puis entièrement réécrits.
Les Improvisations sur Balzac de Michel Butor se déclinent elle-même en trois tomes qui constituent trois temps articulés de la lecture : Improvisations sur Balzac I - Le Marchand et le Génie, consacré aux récits philosophiques ; Improvisations sur Balzac II - Paris à vol d'archange, consacré à la ville de Paris dans les romans de Balzac et Improvisations sur Balzac III - Scènes de la vie féminine, consacré aux femmes de La Comédie humaine.
Qu'en est-il du temps dans l'oeuvre de Michel Butor ? Carlo Ossola le questionne à partir de quatre axes : le premier, la forme d'écriture qu'il a choisie dans L'Emploi du temps qui prend en compte le « croisement », la « superposition », les « glissements temporels » que chacun expérimente dans sa propre vie ; le deuxième, l'héritage de Fourier, à savoir comment peut-on penser l'univers sans l'humanité qui compte le temps ; le troisième, peut-on pallier l'insuffisance de temps par l'espace et comment Butor crée une véritable philosophie du « chronotope », c'est-à-dire de l'alliance du temps-espace. Enfin, le quatrième, les instants de jaillissement que constituent les Improvisations, terme emprunté au langage musical.