Louise Bourgeois est par excellence la femme-couteau, la femme sculpteur, celle qui découpe, tranche, cisaille, mais aussi celle qui incarne l'ambivalence féminin-masculin : la protection et la menace, la fragilité et la force, la tendresse et la violence.
Née en 1911 à Paris, et ayant vécu à New York de 1938 jusqu'à sa mort en 2010, elle est devenue, après une reconnaissance tardive, l'une des artistes les plus emblématiques du XXe siècle. Son oeuvre polymorphe, composée de peintures, gravures, dessins, sculptures, installations, est profondément autobiographique et échappe à toute classification esthétique. En réactivant les souvenirs et les traumatismes de son enfance, Louise Bourgeois donne forme et corps à ses émotions, créant une oeuvre organique, sensuelle et érotique, dont le thème essentiel est la femme-maison. « La sculpture est le corps et mon corps est une sculpture. »
Cette biographie ne retrace pas seulement le parcours d'une grande artiste, sa formation, ses influences ; c'est aussi le récit d'une vie de femme exceptionnelle, ayant connu les deux guerres, l'exil, épouse d'un célèbre historien de l'art, et mère de trois enfants. Elle s'appuie sur les archives personnelles inédites de l'artiste, ses journaux intimes, sa correspondance, ses écrits psychanalytiques, ainsi que sur ses interviews et des entretiens avec ses proches.
Un jour, vous avez vu une affiche dans la rue, une affiche dont vous avez presque immédiatement détourné le regard, pas assez vite cependant pour ne pas voir que les petits personnages en tissu rose, couchés côte à côte, avaient pour certains deux têtes, l'une qui embrassait une personne d'un côté et l'autre de l'autre... Une amie qui avait vu la même affiche vous demanda peu après si vous iriez voir l'exposition. Vous avez répondu que non, que ça ne vous disait rien, ces choses en tissu. Mais si vous aviez réagi si vivement, c'est bien que ça vous disait quelque chose...
Ce petit quelque chose est l'objet de ce récit très personnel, lancé avec une empathie contagieuse sur les traces de Louise Bourgeois (1911-2010), à la découverte d'une artiste protéiforme et d'une femme profondément attachante dont la longue vie, marquée par des relations familiales complexes, l'exil en Amérique, la difficulté de l'épanouissement dans le monde de l'art de l'après-guerre, dominé par le surréalisme, l'expressionnisme abstrait, et les hommes, déboucha finalement, après des années de travail obscur, sur la gloire soudaine, éclatante, d'une rétrospective au musée d'Art moderne de New York, et une oeuvre tardive bouleversante.